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1 décembre 2025

Le Top 5 des éléments clés en matière de propriété intellectuelle pour préparer votre biotech à un investissement en capital de risque

Par : François Painchaud et Amélie Côté [1]

ROBIC

AVOCATS, AGENTS DE BREVETS ET DE MARQUES DE COMMERCE

Le secteur des sciences de la vie attire de plus en plus de capitaux de risque en raison de son potentiel d’innovation et de croissance. En effet, le secteur des sciences de la vie et des technologies de la santé au Québec a un taux de rendement interne de 23,6 % sur dix ans selon BIOQuébec, soit supérieur à celui de plusieurs autres industries technologiques clés.[2]  En 2024, le secteur des sciences de la vie au Canada a vu un investissement impressionnant de 1,4 milliard de dollars réparti sur 128 transactions.[3]

Les innovations constituent le principal atout d’une biotech et ont un impact majeur sur sa valorisation lors d’une levée de fonds. Ainsi, voici 5 éléments clés en matière de propriété intellectuelle pour préparer votre biotech à un investissement en capital de risque, et maximiser votre succès lors d’une éventuelle levée de fonds :

1. Sécurisez les éléments de propriété intellectuelle de vos innovations

Dans le secteur des sciences de la vie, plusieurs innovations devront suivre les cadres réglementaires exigeants pour assurer la sécurité, l’efficacité et la qualité des produits, ce qui prend du temps et de l’énergie. De plus les innovations résultent souvent de collaborations et voir de collaborations « mixtes » entre employés, chercheurs externes provenant souvent des universités et autres centres de recherche publics (citons en exemple le Centre de recherche en thérapeutique en santé humaine basé à Ville Mont-Royal), des sous-traitants, et des organisations de recherche (CROs).

Il est essentiel de sécuriser les droits de propriété intellectuelle associés aux innovations issues de ces collaborations et de pouvoir démontrer à des investisseurs que vous détenez ces droits. Ces droits prendront plusieurs formes, les deux formes de propriété intellectuelle les plus importantes au départ seront les brevets et les secrets de commerce. À titre d’exemple, vous voudrez :

  • Prévoir des contrats écrits avec des clauses de cession de propriété intellectuelle claires ainsi que des renonciations aux droits moraux, lorsqu’applicables ;  
  • Vérifier les droits et restrictions liés aux résultats issus de projets financés par des subventions ou des programmes gouvernementaux ou publics ;
  • Gérer et identifier les informations confidentielles relatives aux innovations et les cataloguer de façon à bien identifier ce qui constituera des secrets de commerces ; et
  • Documenter la traçabilité des contributions aux innovations, afin d’établir et de pouvoir démontrer de façon transparente la chaîne de titres.

Tout ce travail en amont vous facilitera la vie pour compléter votre propre « Top 5 ».

2. Développez une stratégie de propriété intellectuelle claire et à jour

Puisqu’une grande partie de la valeur d’une biotech repose souvent sur son portefeuille de propriété intellectuelle, les investisseurs potentiels vont vouloir s’assurer que la stratégie d’une biotech est solide et claire. Cette politique doit également être à jour, en fonction du niveau de développement de ses innovations et alignée avec sa stratégie d’affaires. Pour rassurer les investisseurs :

  • Prévoyez une procédure d’identification de vos actifs en propriété intellectuelle (molécules, procédés, formulations, etc.) ;
  • Prévoyez une procédure pour classifier les droits de propriété intellectuelle que vous voudrez maintenir incluant le choix entre (i) les dépôts de brevet, et (ii) les secrets de commerce, au moment judicieux et ciblé sur des actifs clés à protéger et comment faire interagir ces droits ensemble ;
  • Obtenez des opinions de brevetabilité sur votre innovation et par la suite de liberté d’exploitation comme il en sera discuté plus bas au « Point Boni » (ce sont les « Freedom to Operate » ou « FTO » en anglais) ;
  • Effectuez des veilles concurrentielles régulières de votre marché (incluant les avancées publiées dans les diverses publications scientifiques et les registres des brevets) pour anticiper les évolutions du marché, connaître et maintenir votre avantage compétitif et défendre votre propriété intellectuelle contre des contrefacteurs ; et
  • Développez une équipe avec des connaissances solides de vos innovations et un budget adapté à votre stratégie de propriété intellectuelle (en incluant les subventions potentielles).

3. Protégez la confidentialité de vos informations et de vos données

La confidentialité des informations relatives aux innovations pourra s’avérer essentielle pour conserver votre avantage concurrentiel et préserver la valeur de ces informations et tout en permettant de maintenir la possibilité de faire une demande de brevet ou de choisir la voie du secret de commerce, lorsque cela est applicable. Certaines biotechs collectent et manipulent des données personnelles ayant une grande valeur, et qui sont assujetti à des exigences additionnelles, il sera possiblement impératif de maintenir une telle constellation de données confidentielles et de les traiter comme des secrets de commerce. Il est alors indispensable de :

  • Exiger la signature systématique d’ententes de confidentialité (elles peuvent avoir plusieurs titres comme « ententes de divulgation confidentielle » et leurs variantes anglaises ; elles sont souvent reconnues par leurs acronymes anglais soit : « NDA » ou « CDA ») avec tous les employés (incluant les « contractuels »), partenaires, consultants, investisseurs potentiels et autres groupes ou individus avant de leur divulguer de l’information confidentielle ;
  • Limiter la divulgation des informations confidentielles aux informations nécessaires pour l’objet des discussions anticipées, dans ce contexte, éviter autant que possible de divulguer les informations identifiées comme des secrets de commerce;
  • Valider le contenu, avant publication de toute divulgation destinée à être rendue publique (conférences, publications, présentations initiales à de potentiels investisseurs ou partenaires stratégiques, « elevator pitch », etc.);
  • En plus des questions contractuelles revues plus haut, prévoir des formations régulières sur la protection des informations confidentielles avec vos employés, « contractuels » et consultants ;
  • Assurer la conformité avec les lois et règlements en lien avec la protection des renseignements personnels et la protection de données de santé ; et
  • Sécuriser les bases de données contre les risques de fuite ou d’accès non autorisé.

4. Assurer une saine gestion de vos collaborations avec des institutions académiques et les centres de recherches

Les collaborations avec des universités ou autres institutions académiques peuvent être bénéfiques, stratégiques et avoir un apport important à la valeur d’une biotech. Pour pouvoir bien les mettre en valeur auprès des investisseurs :

  • Comprenez les modalités de vos ententes, notamment les clauses liées à la propriété intellectuelle, à la confidentialité et à la publication, incluant toute licence octroyée ;
  • Pour rappel, les institutions universitaires et leurs chercheurs voudront limiter les empêchements de publier leurs découvertes. Alors, validez ces droits de publication, assurez-vous d’avoir un droit de regard et recensez toutes les publications, tant avant que pendant la collaboration ; Vérifiez les droits de propriété intellectuelle antérieurs qui pourraient être requis pour l’exploitation des résultats de la collaboration ainsi que les droits reliés aux améliorations issues de propriétés intellectuelles antérieures et prévoyez d’emblée des dispositions qui vous libérer de tout empêchement ; et
  • Identifiez les droits de propriété intellectuelle déjà déposés, s’il y a lieu, ainsi que les droits des tiers potentiellement impliqués, par exemple dans des collaborations sous forme de consortiums.

5. Préparez-vous pour une vérification diligente

Finalement, les investisseurs potentiels effectueront fort probablement une vérification diligente (« due diligence ») de votre entreprise avant d’investir. Il y a plusieurs façons de se préparer à ceci afin d’assurer une vérification diligente rapide, efficace et en minimisant les surprises. Pour ce faire :

  • Assurez-vous d’avoir une copie signée de toutes vos ententes et documents liés à votre entreprise, en matière de propriété intellectuelle, pensez à la documentation sur les licences, sur la chaîne de titres des droits sur vos technologies, les collaborations avec des tiers en recherche ou autres ;
  • Vérifiez la validité et les dates d’expiration de vos contrats et assurances ;
  • Sur un plan plus général, assurez-vous que votre livre de société est complet et à jour, que les contrats principaux de souscriptions d’actions, convention(s) entre les actionnaires (ou certaines d’entre eux) sont tous accessibles ;
  • Soyez organisé afin de pouvoir rapidement fournir les documents ou informations demandés par les investisseurs. Vous pouvez même préparer un site de vérification dédié (un « dataroom ») virtuel en amont ; et
  • Effectuez une vérification diligente à l’interne avec vos comptables et avocats, afin de soulever à l’avance toute irrégularité potentielle et pouvoir la corriger avant d’amorcer cette étape avec des investisseurs.

6. « Point boni » supplémentaire quant à la libre fabrication (les « Freedom to operate » ou « FTOs »)

Dès que vous avez un « produit » que ce soit une molécule ou tout autre élément biologique spécifique qui viendra répondre au besoin que vous avez identifié, que ce soit une indication, une thérapie spécifique que vous prévoyez commercialiser éventuellement, il est temps d’effectuer certaines recherches en libre fabrication (en anglais « freedom to operate » ou « FTO »). Ce que vous cherchez à :

  • Comprendre quels seraient les brevets de tiers qui pourraient vous empêcher de commercialiser votre « produit » sans une licence de ce tiers vous autorisant à le faire ;
  • Évaluer, assumant qu’il y ait des barrières possibles, comment les contourner ;
  • Si incontournables, voir les possibilités d’obtenir une ou plusieurs licences des tiers ;
  • Évaluer les demandes qui seraient « en instance » de brevet pour évaluer si les revendications initiales ne soient pas trop larges et évaluer si une action peut être entreprise pour limiter celles-ci

La propriété intellectuelle est un levier stratégique incontournable pour toute biotech souhaitant attirer des investisseurs en capital de risque. Une approche proactive et structurée — fondée sur la sécurisation des droits, la confidentialité, une stratégie PI cohérente, une gestion rigoureuse des partenariats académiques et une préparation diligente — permet non seulement de renforcer la crédibilité de l’entreprise, mais aussi de maximiser sa valorisation. En intégrant ces bonnes pratiques, votre biotech sera mieux positionnée pour réussir ses levées de fonds et accélérer son développement dans un marché hautement concurrentiel.

Sommaire des erreurs à éviter
Même avec une stratégie bien pensée, certaines erreurs peuvent compromettre la crédibilité d’une biotech auprès des investisseurs. Voici les principales à éviter :
 
1. Négliger la documentation de la propriété intellectuelle
Absence de contrats de cession ou de renonciation aux droits moraux ;
Manque de traçabilité dans la chaîne de titres ;
Oubli de vérifier les conditions liées aux subventions.
2. Sous-estimer l’importance de la confidentialité
Divulgation publique non contrôlée (conférences, publications, pitchs) ;
Absence d’ententes de confidentialité avec les partenaires ;
Manque de sensibilisation des employés à la protection des données.
3. Adopter une stratégie PI incohérente ou incomplète
Dépôts de brevets mal ciblés ou trop tardifs ;
Absence d’analyse de brevetabilité ou de liberté d’exploitation (FTO) ;
Veille concurrentielle, inexistante ou irrégulière.
4. Mal gérer les collaborations académiques
Méconnaissance des clauses contractuelles clés (PI, publication, confidentialité) ;
Non-identification des droits antérieurs ou des améliorations ;
Absence de suivi des publications et des dépôts existants.
5. Être mal préparé pour la vérification diligente
Documents juridiques incomplets ou non signés ;
Livre de société non à jour ;
Absence de dataroom ou de vérification interne préalable.

[1] François Painchaud est avocat et directeur chez ROBIC et Amélie Côté est avocate et directrice chez ROBIC.

[2] BIOQuébec, Énoncé de position – Financement, Du concept à la clinique, 23 octobre 2025, disponible en ligne à : <https://bioquebec.com/wp-content/uploads/2025/10/BIOQuebec_Enonce-de-position_Financement-2025.pdf>

[3] Canadian Venture Capital Association, 2024 Canadian Venture Capital Market Overview, disponible en ligne à : https://reports.cvca.ca/books/myfw/?search=life%2520sciences#p=7.

**Cet article est disponible en français seulement

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