les maladies rares : cahier spécial dans La Presse


MALADIES RARES : PLUSIEURS ACTEURS CLÉS AU QUÉBEC

Au Québec, plusieurs acteurs clés œuvrent dans le domaine des maladies rares. En voici un aperçu.

DES ORGANISMES DÉVOUÉS

Le Québec compte plusieurs organisations qui se consacrent aux maladies rares. Ils jouent un rôle essentiel, notamment en fournissant du soutien aux patients; en les mettant en relation les uns avec les autres; en communiquant des renseignements sur ces affections aux décideurs, aux médias et au public; en veillant à ce que soient entendus les points de vue des patients; en favorisant les échanges entre les malades et les chercheurs; et en militant pour améliorer l’accès aux médicaments orphelins. Le Regroupement québécois des maladies orphelines (RQMO) rassemble d’ailleurs une vingtaine de ces associations de maladies rares, de gens atteints d’une maladie rare ou de membres de familles de personnes qui en sont affectées.

DES CENTRES DE RECHERCHE SUR LES MALADIES RARES

La recherche sur les maladies rares revêt une importance capitale pour améliorer la compréhension de ces affections et pour élaborer des options diagnostiques et thérapeutiques. Voici deux centres québécois de recherche clés.

• Le Centre de recherche sur les maladies rares et génétiques chez l’adulte de l’lnstitut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) : ce centre se penche sur plusieurs affections rares — comme le syndrome de chylomicronémie familiale et la polykystose rénale — afin de faire avancer les connaissances sur ces maladies. Il mène des projets de recherche biomédicale pour améliorer leur dépistage, leur diagnostic et leurs traitements.

• Le Centre d’excellence en recherche sur les maladies orphelines — Fondation Courtois (CERMO-FC) : cet établissement réunit plus de 60 chercheurs de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et de l’extérieur dont la mission consiste à approfondir les connaissances sur les maladies orphelines afin d’identifier des cibles thérapeutiques qui permettent d’améliorer la prise en charge des patients. D’autres établissements québécois phares

D’autres instituts québécois s’intéressent aux maladies rares; en voici deux.

• L’Institut-hôpital neurologique de Montréal — Le Neuro : il s’agit d’un leader mondial de la recherche sur les maladies neurologiques rares. La majorité des maladies étudiées sur place affectent les muscles (pensons aux dystrophies musculaires) et le système nerveux périphérique (par exemple la sclérose latérale amyotrophique [SLA]).

• L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) : cet établissement possède une expertise clinique et de recherche diversifiée dans le domaine des maladies rares chez l’adulte et chez l’enfant. Certains cliniciens et chercheurs qui y travaillent se sont regroupés pour former un Consortium de recherche sur les maladies rares visant à améliorer la vie des personnes qui en sont atteintes. Plusieurs entreprises impliquées

Selon l’organisme sans but lucratif Montréal InVivo — qui regroupe les acteurs clés des sciences de la vie et des technologies de la santé du Grand Montréal —, une soixantaine d’entreprises sont actuellement impliquées dans le développement d’outils diagnostiques ou thérapeutiques réservés aux maladies rares au Québec. De ce nombre, une quarantaine sont des petites et moyennes entreprises (PME) québécoises, principalement du secteur des biotechnologies. Elles sont actives dans une dizaine de champs thérapeutiques, en particulier la neurologie, l’oncologie et la cardiologie.

DES FONDATIONS POUR LA RECHERCHE OU LE SOUTIEN

Quelques fondations québécoises s’intéressent à la recherche ou au soutien des personnes qui sont atteintes de maladies rares. En voici quelques-unes.

• La Fondation du Grand défi Pierre Lavoie : cet organisme recueille des fonds pour permettre aux scientifiques de faire avancer la recherche sur les maladies héréditaires orphelines.• La Fondation des étoiles : elle est reconnue comme l’une des plus importantes sources non gouvernementales de financement de la recherche sur les maladies infantiles — y compris les maladies orphelines — au Québec.

• Le Fonds des Millepattes : cet organisme offre notamment de l’écoute, du répit et un coup de pouce financier aux familles qui ont un enfant atteint d’une maladie rare ou orpheline.

• La Fondation Simon-le-Zèbre : le fonds de cette fondation a pour but notamment d’aider non seulement les organismes qui œuvrent dans le milieu des maladies rares et orphelines, mais aussi les maisons de répit.


MALADIES RARES : QUEL SORT POUR LES PATIENTS QUÉBÉCOIS ?

Elles touchent chacune moins de 1 personne sur 2000, mais ensemble, elles affecteraient près de 700 000 Québécois. Non seulement les maladies rares demeurent-elles l’un des enfants pauvres de la médecine et de la recherche, mais en outre, lorsque des traitements novateurs sont connus, encore trop de patients ont du mal à y accéder. Pourtant, les solutions pour remédier aux iniquités existent bel et bien, selon les groupes de défense des patients.

Dans le milieu, on fait référence à la « loterie du code postal » : au pays, l’accès aux traitements novateurs (et à leur remboursement), aux essais cliniques, au dépistage génétique et à une expertise médicale de pointe varie grandement en fonction de la province où l’on habite. Même à l’échelle du Québec, des iniquités sont observées selon les régions.

« Au Québec, nous sommes chanceux d’avoir accès à des mesures comme le patient d’exception et les médicaments d’exception [qui donnent accès aux médicaments et traitements novateurs, sur demande du prescripteur] souligne Eva Villalba, directrice générale de la Coalition priorité cancer au Québec. Mais l’application de ces mesures reste inégale à travers la province : tout repose sur la volonté du professionnel soignant et même de l’établissement médical. »

En présence d’un système de soins de santé universel, il est difficile pour les associations qui protègent les patients de concevoir que tous n’aient pas accès aux mêmes traitements.

ET SI C’ÉTAIT UNE MALADIE RARE ?

Même son de cloche du côté du Regroupement québécois des maladies orphelines (RQMO) : ce sont trop souvent les patients qui sont laissés pour compte dans l’équation. « On dit que les maladies rares sont orphelines non seulement parce qu’elles touchent un petit nombre de personnes, mais aussi parce que 90 % d’entre elles sont orphelines de recherche et de traitement », précise Gail Ouellette, présidente du regroupement.

Le parcours des patients atteints de maladies rares est parsemé d’embûches, et ce, avant même qu’ils reçoivent un diagnostic. « Face à plus de 7 000 maladies rares connues et à des professionnels de la santé qui ne sont pas formés pour les détecter, la plupart des patients vivent des retards de diagnostic ou voient leur état attribué à des causes psychosomatiques », ajoute-t-elle. Cette errance diagnostique retarde la prise en charge de maladies qui peuvent être incommodantes, invalidantes, progressives et même mortelles. Or, c’est la qualité de vie et même l’espérance de vie des patients qui sont affectées par de tels délais.

DÉPISTAGE PRÉCOCE

Jusqu’à tout récemment, Québec accusait un retard considérable au chapitre du dépistage génétique, dont le dépistage prénatal et néonatal. L’adoption, en 2022, d’une Politique québécoise pour les maladies rares par le gouvernement du Québec donne aux groupes de défense l’espoir que l’accès aux outils de dépistage et de diagnostic soit plus équitable pour tous les patients. Seul bémol : le dépistage génétique cible un nombre infime de maladies. « C’est une goutte dans l’océan », illustre Gail Ouellette.

L’INCIDENCE DES DONNÉES PROBANTES EN CONTEXTE RÉEL

La collecte de données probantes en contexte réel de soins est un autre axe sur lequel table la stratégie québécoise sur les maladies rares, une initiative saluée à la fois par le RQMO et la Coalition priorité cancer au Québec. « Dans le cas de maladies rares où les cohortes de patients sont limitées, il devient difficile d’accumuler suffisamment de données cliniques pour évaluer les traitements novateurs », explique Eva Villalba. Or, ce type de collecte de données permet de réduire l’incertitude quant à l’efficacité de ces thérapies coûteuses.

La mise en place d’un registre des maladies rares a également pour objectif de favoriser l’échange de connaissances au sein de la communauté scientifique, c’est-à-dire parmi les chercheurs des milieux universitaires et des biotechnologies, les cliniciens et tous les professionnels médicaux. On espère ainsi stimuler l’innovation thérapeutique dans le domaine et améliorer le continuum de soins.

« Le registre, c’est un outil qui suivra le patient tout au long de sa trajectoire de soins », fait remarquer Gail Ouellette, qui a toujours à cœur de remettre le patient (et ses proches) au centre des préoccupations. Dans le milieu, on salue le fait que le Québec semble prêt à ouvrir la voie aux patients atteints de maladies rares ; c’est un premier pas porteur d’espoir.

FAITS SAILLANTS SUR LA POLITIQUE QUÉBÉCOISE POUR LES MALADIES RARES

Saviez-vous que le Québec s’est enfin doté d’une politique nationale pour les maladies rares ? Faits saillants de cette stratégie réclamée depuis longtemps par les organismes qui œuvrent dans ce domaine.

UNE PREMIÈRE POLITIQUE NATIONALE

En juin 2022, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a dévoilé la Politique québécoise pour les maladies rares. Une telle politique se veut une première non seulement au Québec, mais aussi au Canada. Elle constitue donc un grand pas en avant puisqu’elle reconnaît les difficultés uniques auxquelles font face les gens qui souffrent de ces maladies ainsi que les changements nécessaires pour que ces personnes puissent avoir accès aux soins et aux traitements qu’elles méritent. Les maladies rares sont en effet des problèmes de santé graves et invalidants pouvant compromettre grandement la qualité de vie des gens qui en sont atteints ainsi que celle de leur famille.

UN LONG PROCESSUS DE CONSULTATION

La mise sur pied de cette première politique québécoise a fait l’objet d’une série de consultations menées auprès d’une vingtaine d’organismes communautaires qui travaillent dans le domaine des maladies rares, de même que d’autres organisations spécialisées dans ce secteur. Ce long processus a permis de préciser les nombreux problèmes particuliers que rencontrent les personnes atteintes de telles maladies au Québec ; pensons notamment à l’errance médicale, à l’impasse diagnostique et à la difficulté d’obtenir des soins ainsi que des services médicaux et sociaux. Il a également permis de recueillir les nombreuses recommandations qui ont inspiré l’élaboration de cette stratégie.

TROIS AXES D’INTERVENTION PRINCIPAUX

La politique se concentre sur trois grands axes d’intervention et objectifs qui visent à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies rares, soit la sensibilisation et la formation des professionnels de la santé ; l’accès facilité et équitable au diagnostic, aux soins et aux services ; et la promotion de la recherche, de l’innovation et de la collecte de données. Chacun de ces axes permet d’aborder les grands enjeux et les besoins énoncés lors de la série de consultations menée par le gouvernement québécois ; les voici en détail.

AXE 1 : SENSIBILISATION ET FORMATION

La méconnaissance et le manque d’expertise figurent parmi les principaux problèmes propres aux maladies rares. Afin d’y remédier, le premier axe de la politique a pour objectifs notamment de sensibiliser la communauté médicale, d’encourager l’échange d’informations et de connaissances des différentes parties, et d’améliorer la formation des cliniciens et des professionnels de la santé. Il vise également à soutenir le développement d’outils cliniques afin d’accélérer le processus de diagnostic et d’optimiser la prise en charge des patients. Cet axe a aussi pour but de faciliter l’accès à l’information en la centralisant sur le web, entre autres choses.

AXE 2 : ACCÈS AU DIAGNOSTIC, AUX SOINS ET AUX SERVICES

Obtenir le bon diagnostic prend souvent la forme d’un parcours du combattant pour les personnes qui ont une maladie rare. L’accès à des traitements et à des services représente un autre enjeu de taille qui a été soulevé lors du processus de consultation mené en lien avec la rédaction de la politique. Aussi, le deuxième axe vise à optimiser le cheminement de ces gens dans le réseau de la santé et des services sociaux en améliorant entre autres l’accès aux outils de dépistage et de diagnostic. Il a également pour objectif d’accroître et de mieux structurer l’offre des soins et des services en maladies rares au Québec — en désignant des centres de référence et de compétence régionaux, par exemple — afin d’en faciliter l’accès.

AXE 3 : RECHERCHE, INNOVATION ET COLLECTE DE DONNÉES

Les consultations publiques ont souligné l’importance d’encourager la recherche, l’innovation et la collecte de données afin d’augmenter les possibilités de traitements pour les personnes qui sont atteintes de maladies rares (à peine 10 % de ces affections ont un traitement spécifique). Ce troisième axe de la politique a pour but notamment d’encourager les activités de recherche et de transfert des connaissances pour mieux dépister et comprendre ces maladies. Il vise aussi non seulement la création d’un registre québécois des patients atteints de maladies rares pour améliorer leurs soins et leur suivi, mais aussi l’accélération de l’innovation thérapeutique en vue d’optimiser les traitements déjà existants ou prometteurs.