Le difficile combat contre les maladies rares
De l’espoir, c’est ce que peut désormais offrir Nicolas Pilon, directeur du Centre d’excellence en recherche sur les maladies orphelines–Fondation Courtois (CERMO-FC), aux parents d’enfants atteints de la maladie de Hirschsprung.
Connue depuis 1899, la maladie de Hirschsprung touche environ 1 nouveau-né sur 5000. Elle touche le système digestif des petits, qui naissent sans neurones entériques dans la paroi du côlon. « On retrouve dans le système digestif un système nerveux qui commande les mouvements de contraction et de relaxation jusqu’au bout du côlon. Dans ce cas, les neurones ne se sont pas développés correctement et sont absents de l’extrémité du côlon. Donc, dès sa naissance, l’enfant est incapable de faire des selles, ce qui conduit éventuellement à la mort. »
Un seul traitement est employé depuis 1948 et consiste en une intervention chirurgicale qui enlève la partie sans neurones pour la rattacher à la partie saine. Une intervention qui n’est pas sans risque. « Les enfants se font opérer avant même l’âge de 1 an. Il peut y avoir de graves séquelles comme l’incontinence fécale et des infections qui peuvent être fatales », indique Nicolas Pilon.
La solution de rechange à l’opération
Au cours de leurs travaux, les chercheurs du CERMO-FC de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), en collaboration avec des collègues du CHU Sainte-Justine et du Children’s Hospital of Philadelphia, ont découvert qu’il serait possible de générer de nouveaux neurones entériques en stimulant des cellules souches en dormance dans la zone malade. « Nous avons fait des essais sur des souris en leur administrant une molécule qui vise et stimule spécifiquement ces cellules souches et cela a très bien fonctionné, puisque des neurones entériques sont rapidement apparus », raconte Nicolas Pilon, également professeur au département des sciences biologiques.
Le nerf de la guerre
En contrepartie, Novo Nordisk se verra accorder les droits mondiaux exclusifs pour développer certains La prochaine étape ? Les essais cliniques chez des humains. La patience est toutefois de mise, puisqu’il pourrait se passer de cinq à dix ans avant de voir des résultats concrets. Cette longue attente est due au manque de financement, une réalité particulièrement frappante quand il s’agit de maladies orphelines. « Cette molécule coûte très cher à produire et son utilisation est limitée en raison de questions de propriété intellectuelle. L’entreprise de biotechnologie qui nous l’a fournie priorise des essais cliniques pour la maladie de Parkinson, qui requièrent de grandes quantités de la molécule. Une production à plus petite échelle pour la maladie de Hirschsprung n’étant pas rentable, il nous faudrait viser le même volume de production et donc plusieurs millions de dollars pour arriver au bout de nos recherches », explique le chercheur.
Une politique québécoise suscite de l’espoir
On estime entre 7000 et 8000 le nombre de maladies qui affectent moins de 1 personne sur 2000 dans le monde. Au Québec, ce chiffre s’établirait entre 700 et 800. Selon Nicolas Pilon, la province est en retard quant à l’organisation de la recherche et de la prise en charge de ces maladies.
On est encore aux prises avec cette mentalité qui veut que parce que cela concerne peu de gens, on ne doive pas s’en préoccuper. Pourtant, oui, pour une seule maladie, le chiffre peut être petit, mais quand on les regroupe, le nombre est considérable. On parle d’environ 700 000 personnes au Québec !
Nicolas Pilon, directeur du Centre d’excellence en recherche sur les maladies orphelines–Fondation Courtois (CERMO-FC)
« Il faut aussi savoir que ce n’est pas parce qu’une maladie est rare que les connaissances et les découvertes associées ne peuvent pas s’appliquer à des conditions plus communes », explique le chercheur.
Au mois de juin dernier, le gouvernement provincial a présenté sa politique pour les maladies rares. Celle-ci vise à optimiser l’organisation des soins et services ainsi que les trajectoires pour ces maladies. Nicolas Pilon voit d’un bon œil cette annonce, mais espère qu’elle s’accompagnera de financement. « Il faut une volonté plus large et il manque toujours une enveloppe consacrée spécialement aux maladies orphelines, car en ce moment, chaque chercheur tire de son côté pour avoir son propre financement. J’espère aussi qu’on va pouvoir enfin briser les silos et jumeler les savoirs de plusieurs disciplines des sciences cliniques et fondamentales comme les chimistes et les biologistes, afin d’aller plus rapidement et plus loin. »