Le groupe français Servier ouvre un hub en intelligence artificielle au Centech
Le groupe pharmaceutique français Servier ouvre un hub en intelligence artificielle (IA) à l’intérieur du Centech, incubateur de start-ups affilié à l’École de technologie supérieure (ÉTS).
La création du hub en IA de Servier s’inscrit dans le cadre de la transformation numérique du géant pharmaceutique qui compte 22 000 employés dans le monde et vend ses produits dans 150 pays.
Fondée en 1954, l’entreprise s’est installée au Québec en 1978 et y compte 182 employés. Ses traitements ciblent quatre secteurs d’activité, soit l’oncologie, le diabète, la cardiologie et les maladies veineuses chroniques.
Cette antenne montréalaise, qui compte pour le moment deux employés, aura le mandat de «promouvoir, d’établir et d’entretenir des interactions et des collaborations entre les acteurs de l’écosystème local et les équipes internationales de recherche et développement (R-D) de Servier», explique la multinationale.
Ce hub permettra également d’accélérer l’adoption et l’adaptation des outils de l’intelligence artificielle aux activités de R-D du groupe Servier et d’établir des liens avec les agences réglementaires canadienne et américaine dans le domaine de l’IA.
La création de ce hub représente un investissement qui pourrait atteindre près de 3 millions de dollars d’ici 2022, pour permettre le financement d’accords de partenariats et de co-développement avec des start-ups locales, ainsi que le recrutement potentiel d’experts.
«Nous avons lancé un grand programme de transformation numérique du Groupe Servier et l’IA est un champ qui nous paraît non seulement intéressant, mais indispensable pour l’ensemble des activités du groupe. Non seulement en R-D, mais aussi pour des applications industrielles, la chaîne d’approvisionnement et les activités promotionnelles», raconte Virginie Dominguez, directrice de la stratégie numérique (Chief Digital Officer) du groupe Servier.
«L’écosystème montréalais en intelligence artificielle est très riche à la fois côté académique et start-ups. C’est très intéressant par rapport à d’autres endroits plus académiques», ajoute-t-elle.
Claude Bertrand, vice-président exécutif R&D du groupe Servier, précise que la pharmaceutique a commencé à explorer il y a deux ans quels étaient les champs du numérique qui pouvaient avoir un impact sur la productivité et l’efficience de la R-D.
Améliorer la productivité et l'efficience
«Il y a deux problématiques à la productivité et à l’efficience de la R-D aujourd’hui dans l’industrie pharmaceutique. Premièrement, au fur et à mesure que les médicaments passent les études cliniques de phase 1-2 et 3, nous avons encore un taux d’attrition de 50%, ce qui est énorme», dit-il.
Deuxièmement, avec toute la réglementation qui encadre l’industrie, les cycles de développements sont très longs. «Aujourd’hui, pour un médicament, de l’identification d’une nouvelle cible à l’arrivée sur le marché, il faut compter au minimum 12 ou 13 ans. Or, à partir du moment où on dépose une demande de brevets, ils sont valides pendant 20 ans. La partie profitable d’un nouveau médicament se rétrécit donc de plus en plus».
«C’est ça les deux leviers sur lesquels on veut agir. Je fais partie des gens qui pensent que l’utilisation et l’exploitation des données vont être un des leviers principaux de correction de ces deux problèmes majeurs de la productivité de la R-D. On pense que le numérique va nous aider à accélérer les cycles, mais encore plus agir sur la probabilité de succès, grâce à des simulations et à de la modélisation», raconte M. Bertrand.
Virginie Dominguez parle également de la vue 360 de Servier envers l’intelligence artificielle. L’équipe se demande en quoi l’IA peut aider la pharmaceutique sur l’ensemble de sa chaîne de valeurs. «Nous produisons nos médicaments, alors nos industries de chimie et de pharmacie… quand on parle d’industrie 4.0, les problématiques industrielles sont valables chez nous aussi», dit-elle.
La directrice de la stratégie numérique estime que l’IA pourrait également venir en aide aux activités de maintenance prédictive, de planification de production, de chaîne d’approvisionnement et de prévisions de ventes.
«On travaille aussi sur une meilleure visibilité des stocks en temps réel à la journée partout dans le monde. Servier possède des bureaux dans 70 pays et distribue ses produits dans 150 pays. Il faut avoir de bonnes prévisions des stocks, savoir ce qu’on produit et où est-ce qu’on l’envoie», explique-t-elle.
Le maillage avec les start-ups se fera au Centech
Le hub montréalais de Servier en IA logera au Collision Lab du Centech, dont la mission est de faire du maillage entre des start-ups et de grandes entreprises.
«En rejoignant notre plateforme d’innovation ouverte Collision Lab, le groupe Servier va bénéficier de l’expertise technologique de nos entreprises spécialisées en medtech et de notre écosystème favorisant l’intégration de solutions d’intelligence artificielle», dit le directeur général du Centech, Richard Chénier.
«Le Collision Lab offre 10 espaces à de grandes entreprises qui veulent être en connexion avec des start-ups et bénéficier de leur agilité pour accélérer leurs objectifs d’innovation. J’aime parler de partenariats gagnant-gagnant parce que la grande entreprise peut travailler avec des talents et des technologies émergents, alors que les start-ups peuvent valider l’utilité de leurs produits et services auprès d’un premier client», dit-il.
Selon M. Chénier, il est difficile de dire si l’arrivée de Servier se traduira par la création de nombreux emplois. «Les start-ups sont à la recherche de clients. Si les clients affluent, l’effet de levier sur la création d’emplois peut-être important, mais on ne peut pas le quantifier actuellement», dit-il.