Biopiratage: bricoleurs du vivant
Des scientifiques autodidactes ou se sentant trop à l'étroit à l'université veulent régler les problèmes de l'humanité en créant de nouveaux organismes vivants, sortis de leur imagination. Et ils le font hors des laboratoires officiels, y compris à Montréal. Vive la biologie libre ?
Ici, pas de murs blancs étincelants ni de sarraus. Le microscope côtoie une planche à repasser, une vieille chaîne stéréo, un chronomètre de piscine, une mijoteuse et des boîtes débordantes de couteaux de précision. Comme chez le brocanteur.
Brico Bio, un laboratoire scientifique hors du commun, loge dans un loft du quartier Saint-Henri, à Montréal. Deux soirs par semaine, une poignée de mordus de biologie s'y retrouvent au milieu du capharnaüm.
Les projets qu'ils y concoctent sont tout aussi surprenants que le décor. Norman Lopez s'intéresse à un composé étrange. « Quand on le consomme, tout ce qu'on avale goûte sucré. Je voudrais créer de la laitue qui en produit ! »
Détail non négligeable : Norman Lopez est... massothérapeute de formation.
En Amérique du Nord, ils sont plusieurs centaines à participer au même mouvement que lui - celui du « biohacking » (traduction : biopiratage). On l'appelle aussi « biologie de garage » ou « biologie DIY », pour « do-it-yourself » (« faites-le vous-même »).
Souvent autodidactes, ses adeptes ont soif d'apprendre et l'ambition de créer de nouveaux types d'êtres vivants. Par pure curiosité ou dans l'espoir de changer le monde grâce à leurs expériences - qu'ils mènent à l'extérieur des labos institutionnels.
Technique requise : introduire les gènes d'un organisme chez un autre organisme, pour changer son comportement. Autrement dit, produire des « organismes génétiquement modifiés ». Mais des OGM qui pourraient tenir la vedette d'un film de science-fiction. Laitue qu'on pourrait servir comme dessert, comme en rêve Norman Lopez. Mais aussi plantes qui éclairent ; bactéries qui fabriquent de l'encre ou qui digèrent des déchets.