Les opportunités et les défis de la démonstration d’efficacité de nouveaux agents thérapeutiques en situation réelle par Biron Groupe Santé
Les données en situation réelle (real-world evidence)
L’industrie pharmaceutique est en transformation quasi permanente depuis les 15 à 20 dernières années. Après les mégafusions, la montée de l’impartition et le développement d’unités de R et D virtuelles, c’est maintenant au tour du modèle de commercialisation des médicaments de se voir remis en cause et de connaître certains bouleversements dans son environnement d’affaires, provoqués tant par des tendances sociétales que par un repositionnement du rôle du patient dans la gestion de sa propre santé.
La période économique dans laquelle nous sommes se caractérise, entre autres, par la place de plus en plus prépondérante qui est accordée à la mesure des résultats tangibles obtenus à la suite d’investissements en santé. Au gré de ce changement d’orientation, l’industrie pharmaceutique se voit soumise à une pression évolutive qui la force à prendre un virage vers la démonstration d’efficacité en situation réelle pour un nombre grandissant de nouveaux agents pharmaceutiques.
Par efficacité en situation réelle (real-world evidence effectiveness), on désigne la démonstration de l’efficacité d’un médicament chez des patients réels, qui ne sont donc pas des participants à une étude clinique et qui vivent dans des conditions de vie dites « normales ».
La démonstration d’efficacité d’un médicament en situation réelle vise ainsi à démontrer la valeur de celui-ci pour les patients utilisateurs et à éliminer les possibles biais dans l’évaluation des bienfaits d’un médicament qui peuvent survenir lorsque l’efficacité est jugée uniquement sur la base de résultats obtenus lors d’essais cliniques chez une population artificielle présentant un niveau élevé d’homogénéité et bénéficiant d’un suivi médical souvent supérieur à ce qui est accessible à la population générale.
Avec le virage vers la démonstration d’efficacité en situation réelle, c’est maintenant le patient qui devient le point central des efforts de commercialisation des nouveaux médicaments. Ainsi, ce n’est plus sur la mesure des intrants (nombre de prescriptions, nombre de comprimés vendus, etc.) sur laquelle doit se concentrer l’industrie, mais plutôt sur la mesure des résultats pour le patient et son entourage (famille, aidants, médecin, etc.) et sur la maximisation de la valeur pour celui-ci.
Ce changement de cap s’intègre dans les nouvelles tendances de l’industrie qui proposent de considérer les patients comme des consommateurs de biens et services modernes, qui sont donc à la recherche de la meilleure proposition de valeur pour le prix payé, qui sont très informés et qui s’attendent à ce qu’on leur procure une expérience de consommation simple et facilitante.
Comme le prouvent plusieurs études, les patients activement impliqués dans la gestion de leur santé et de leurs traitements parviennent généralement à obtenir de meilleurs résultats, tout en diminuant les coûts pour les systèmes de santé. Il est donc peu surprenant que les initiatives de programmes aux patients ciblant la démonstration d’efficacité et le suivi de leur condition générale soient appelées à devenir un requis dans le plan de commercialisation d’un nombre croissant de médicaments.
Selon les estimations de Market and Markets, le marché des programmes aux patients devrait atteindre le cap de 16,4 milliards de dollars (US) d’ici 2020, ce qui représente une croissance annuelle de près de 20 % de ce marché pour les années à venir.
Pour s’avérer efficaces, les programmes aux patients basés sur la démonstration d’efficacité en situation réelle se doivent de répondre aux questions suivantes :
- L’efficacité mesurée en situation réelle est-elle à la hauteur des bénéfices attendus?
- Les bénéfices pour le patient sont-ils concrets et sont-ils supérieurs à ceux qui seraient obtenus avec des thérapies déjà existantes ou ciblant un autre mécanisme d’action?
- Les résultats obtenus sont-ils alignés sur les cibles à atteindre pour une amélioration notable de la santé du patient?
- Est-il possible d’identifier les patients pour lesquels la thérapie s’avérera la plus bénéfique?
- Les données récoltées sont-elles statiquement acceptables et constituent-elles une preuve robuste d’efficacité?
Par ailleurs, l’implantation de programme aux patients et la démonstration d’efficacité en situation réelle représentent un certain nombre d’enjeux dans leur implantation. En effet, malgré l’intérêt grandissant de ce type d’initiatives, il demeure difficile de trouver des partenaires capables de prendre en charge un programme aux patients sous un format « one-stop shop ».
Actuellement, la plupart des programmes aux patients impliquent une multitude de prestataires de services spécialisés et régionaux qui doivent être gérés par les responsables des programmes aux patients. La coordination et la gestion de ces multiples intervenants s’avèrent coûteuses et compliquées, et sont à la source de délais d’implantation et de la grande variabilité dans l’expérience client offerte aux patients et aux médecins participants, ce qui peut compromettre leur engagement et leur participation aux programmes.
L’absence de structure organisée et intégrée pour la collecte de données occasionne également de nombreuses questions sur la qualité des données recueillies et sur la validité des conclusions formulées à partir de celles-ci. La question est de savoir comment traiter l’information obtenue de différentes sources à l’aide de méthodologies et procédures différentes, et obtenue via l’utilisation de technologies disparates.
Dans le but de systématiser la collecte de données en situation réelle et d’offrir une expérience client de qualité aux patients, on voit présentement naître des collaborations entre l’industrie pharmaceutique et des entreprises spécialisées en diagnostic et en logistique. En utilisant des partenaires uniques capables de prendre en charge la prise de rendez-vous, la distribution et la préparation du matériel de prélèvement, le prélèvement, le transport d’échantillons, l’analyse des échantillons, l’émission des résultats et la compilation de données, l’efficacité et l’homogénéité des programmes se voient ainsi considérablement améliorées.
Bien qu’il soit rare qu’un seul et unique partenaire hautement intégré soit présent dans tous les territoires ciblés par le programme mis en place par les entreprises pharmaceutiques, le fait d’impliquer un nombre plus restreint d’intermédiaires permet une meilleure coordination et une uniformisation des façons de faire et des processus ainsi qu’un meilleur contrôle de la qualité des services offerts et des données collectées.
Le potentiel des programmes aux patients et de la collecte de données en situation réelle est clairement établi. Ce constat fait, le développement d’une structure et d’un réseau de partenariat intégré est essentiel pour en permettre le déploiement à grande échelle et le faire parvenir au statut de modèle d’affaires viable tant pour l’industrie pharmaceutique que pour l’ensemble des systèmes de santé.
En intégrant la notion de valeur pour le patient comme la pierre d’assise pour le développement d’une structure plus intégrée, des plateformes plus efficaces pourront émerger et maximiser l’engagement des patients et des professionnels de la santé.
Sources :
Eyeforpharma.com, Trends in Real-World Evidence, April 2017
The Public Relation Strategist, Why Health Care Companies Are Turning to Real-World Evidence and What It Means for Communicators, Michael Durand, Fall issue 2013.
Network for Excellence in Health Innovation, Real-World Evidence: What is it and What Can it Tell Us, December 2016.
White paper, Patient Engagement: A Key Element in Pharmaceutical Marketing Strategy, Luca Dezzani, May 2016.
Deloitte Review Issue, Patient Engagement Strategies in a Digital Environment, December 2016.
Auteur :
Christian Beaulieu MSC, MBA
Directeur des opérations et de l’expérience client
Biron-Laboratoire médical inc.