Un autre coup de circuit par une biotech québécoise
La firme de biotech montréalaise Inversago Pharma – qui développe une molécule pour le traitement de l’obésité, du diabète et des complications associées aux maladies métaboliques – a annoncé jeudi que la multinationale danoise Novo Nordisk avait convenu d’en faire l’acquisition pour une somme qui pourra atteindre près de 1,1 milliard US. Pas mal, pour une entreprise qui a commencé ses activités il y a sept ans et qui compte 22 employés…
Inconnue des non-initiés au monde des biotechnologies, Inversago Pharma est une autre des firmes de biotech québécoises qui vient de réussir un coup de circuit. C’est en fait la troisième à réaliser une transaction d’envergure au cours des quatre dernières années.
Il y a eu, en 2019, Clementia Pharmaceutical, une société montréalaise qui a développé une molécule et un traitement qui était en phase finale de développement en vue de traiter des patients atteints de maladie osseuse grave qui a été rachetée par la société française Ipsen pour 1,3 milliard.
En avril dernier, la société Bellus Santé, qui travaillait depuis 2017 sur une molécule, le camlipixant, en vue d’un traitement de la toux chronique réfractaire, a été vendue à la multinationale GSK pour 2 milliards.
Et voilà qu’Inversago réussit elle aussi le même exploit d’être rachetée à gros prix par une entreprise qui sera capable d’amener son produit, l’INV-202, dans sa phase finale de développement pour pouvoir ensuite le commercialiser à grande échelle dans le monde entier.
Parce que Novo Nordisk est un acteur costaud dans le monde des grandes pharmaceutiques. L’entreprise danoise, spécialisée dans les traitements contre le diabète, compte près de 60 000 employés dans 80 pays, dont 400 au Canada, distribue ses médicaments dans 170 pays et réalise un chiffre d’affaires de plus de 26 milliards US.
« On a eu des discussions avec les six grands joueurs mondiaux dans les médicaments pour le diabète et l’obésité. On s’est entendus avec Novo Nordisk parce qu’ils ont les moyens d’amener notre produit sur le marché à l’échelle mondiale », m’explique François Ravenelle, le PDG et cofondateur de Inversago Pharma.
Docteur en chimie, François Ravenelle se décrit comme un développeur de médicaments. Il a acquis en 2015 les droits de licence de la molécule INV-202 du National Institute of Health des États-Unis et a fondé Inversago Pharma en 2016.
l a réalisé un premier financement de 7 millions en 2018 pour développer la molécule INV-202 que l’entreprise décrit ainsi dans son communiqué de presse :
« Le INV-202 est conçu pour bloquer de manière préférentielle la protéine réceptrice CB1, laquelle joue un rôle important dans la régulation du métabolisme et de l’appétit… Le INV-202 a démontré un potentiel prometteur de perte de poids dans un essai de phase 1b et fait actuellement l’objet d’un essai de phase 2 dans le cadre de la maladie rénale diabétique. »
Développer ici et vendre dans le monde
Inversago Pharma a réalisé un second financement de 47 millions pour effectuer des études sur des animaux et un dernier de série C en 2022 qui lui a permis de lever 95 millions additionnels pour poursuivre le travail de développement dans le domaine de l’obésité et du diabète de type 2.
« Il faut maintenant poursuivre le développement en vue de la commercialisation du produit. Ça peut nous prendre encore sept ans avant d’arriver avec un médicament, mais notre association avec Novo Nordisk nous donnera les moyens d’y arriver tout comme elle démontre que nous sommes sur la bonne voie », expose François Ravenelle.
L’entreprise danoise va continuer d’exploiter Inversago Pharma comme une entité propre qui a développé son propre réseau de sous-traitants à Montréal.
Depuis la fermeture des laboratoires montréalais des grandes sociétés pharmaceutiques comme AstraZeneca, Pfizer, Merck Frosst ou Boehringer au tournant des années 2010, les chercheurs en biotechnologie ont créé un écosystème fort et innovant à Montréal, comme en témoignent les percées que vient de réaliser Inversago Pharma.
Les grandes sociétés pharmaceutiques ont délocalisé leurs laboratoires de recherche au profit des firmes de biotechnologie qui prennent les risques et amènent des molécules ou des traitements au stade de la précommercialisation. Elles préfèrent payer le gros prix lors des acquisitions plutôt que d’avoir à prendre en charge toute l’infrastructure de recherche et développement.
Pour le Fonds de solidarité, qui est un investisseur de premier plan dans le secteur des biotechs depuis son retentissant succès dans IAF Biochem, cet écosystème a encore été payant.
Au cours des cinq dernières années, le Fonds a réalisé des investissements moyens de 1,3 milliard par année, dont 10 % de cette somme a été consacré aux entreprises du secteur des sciences de la vie.
Le Fonds de solidarité était un investisseur dans Clementia Pharmaceuticals et a réalisé une plus-value importante lors de sa vente à Ipsen en 2019, tout comme il a encaissé lors du rachat de Bellus Santé, où il était investisseur.
Le Fonds va encore une fois récolter avec la vente d’Inversago Pharma puisqu’il y avait souscrit par l’entremise des fonds Genesys Capital et Amorchem dans un premier financement, et de façon directe dans la plus récente ronde de série C.
« C’est une transaction importante. On va faire un bon rendement, ce qui est bon pour nos actionnaires, mais cela va nous donner aussi des moyens pour réinvestir dans le secteur », souligne Geneviève Guertin, vice-présidente Placements privés et investissements d’impact – Science de la vie au Fonds de solidarité.