Article dans La Presse avec la collaboration de BIOQuébec : Medicago et Novavax - Quel avenir pour la production de vaccins au pays ?
PHOTO FOURNIE PAR MEDICAGO
Québec et Ottawa sont à la recherche d’un repreneur pour la biopharmaceutique Medicago qui a mis au point un vaccin à base de plantes contre la COVID-19 et qui travaillait sur quatre autres vaccins candidats, dont un pour la grippe saisonnière.
Le démantèlement potentiel de Medicago et l’incertitude entourant le projet québécois de Novavax donnent l’impression d’un faux départ dans la course pour tenter de relancer la production de vaccins au pays. C’est plutôt un marathon, dit l’industrie, qui prévient que ce n’est pas tout le monde qui franchira la ligne d’arrivée malgré les millions promis par Ottawa et Québec.
Julien Arsenault
LA PRESSE
« On s’entend, c’est sûr que c’est un recul », concède Frédéric Leduc, président du conseil d’administration de BIOQuébec, qui représente les intérêts de l’industrie québécoise, en analysant les nouvelles des dernières semaines.
Après avoir vu le conglomérat japonais Mitsubishi jeter l’éponge et annoncer son intention de liquider la biopharmaceutique Medicago en février, Novavax vient d’en rajouter une couche. La semaine dernière, cette pharmaceutique américaine a prévenu les investisseurs qu’elle pourrait bien faire faillite au cours de l’année.
PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE
Novavax doit s’installer dans l’usine montréalaise du Conseil national de recherches du Canada (CNRC), dans Côte-Saint-Luc.
Novavax doit s’installer dans l’usine montréalaise du Conseil national de recherches du Canada (CNRC), dans Côte-Saint-Luc. Ottawa affirme que son partenariat avec la pharmaceutique tient toujours, mais semble beaucoup plus fragile. En ce qui a trait à Medicago, Québec et Ottawa sont à la recherche d’un repreneur pour la biopharmaceutique qui a mis au point un vaccin à base de plantes contre la COVID-19 et qui travaillait sur quatre autres vaccins candidats, dont un pour la grippe saisonnière. Les prétendants ne se bousculent pas aux portes.
PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL
Installations de Medicago à Québec
Sera-t-on capable de relancer la production de vaccins à grande échelle ? Dans le milieu, on estime qu’il faut attendre avant de tirer des conclusions hâtives. M. Leduc, qui est également chef de la direction scientifique chez EVAH en plus d’avoir passé une décennie à Immune Biosolutions, dresse un parallèle avec l’industrie aéronautique.
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE
Frédéric Leduc, président du conseil d’administration de BIOQuébec.
« Développer un avion et le faire certifier, cela prend des années, souligne l’entrepreneur scientifique. Mais une fois que c’est fait, il y a des retombées pour des décennies. C’est un peu le même principe pour la biofabrication. Bâtir une capacité, ça prend de trois à cinq ans. Il y a beaucoup de choses en cours qui vont se matérialiser au cours des deux ou trois prochaines années. Il faut être patient. »
Un coup de barre
Il y a des défis pour l’industrie pharmaceutique au pays. La population (39 millions) fait en sorte qu’il est difficile d’obtenir un important rendement sur l’investissement en recherche pour développer et produire des médicaments ou des vaccins. C’est dans ce contexte que les gouvernements ont délié les cordons de la bourse alors que la pandémie a mis en lumière les lacunes en matière de biofabrication.
À lui seul, depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement fédéral dit avoir consacré plus de 1,8 milliard pour financer 33 projets à l’échelle nationale. Le Québec a obtenu quelque 450 millions pour financer 11 projets, dont ceux de Medicago (173 millions) et de Novavax.
Au Québec, la stratégie gouvernementale sur les sciences de la vie prévoit la distribution de 375 millions d’ici 2025 pour notamment renforcer la capacité manufacturière de la province.
Malgré l’incertitude concernant Novavax, il semble y avoir des options de rechange sur la table, selon Laurie Bouchard, porte-parole du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie François-Philippe Champagne.
« L’usine du CNRC a été conçue pour attirer des entreprises, explique-t-elle. Si ce ne sont pas eux [Novavax], cela pourrait être quelqu’un d’autre. »
Mme Bouchard n’a cependant pas précisé si d’autres options sont étudiées.
Il y a néanmoins des signaux plus encourageants. Les travaux de l’usine de Moderna – qui a reçu 25 millions du gouvernement Legault et une garantie d’approvisionnement de la part du gouvernement Trudeau – sont en marche. En Ontario, Sanofi table toujours sur un site de production de vaccins contre l’influenza. Il y a aussi « d’autres annonces » qui sont prévues par le gouvernement Trudeau, affirme Mme Bouchard. Le 2 mars dernier, M. Champagne a par ailleurs rencontré la haute direction du géant Pfizer à New York.
PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE
Frank Béraud, président-directeur général de Montréal InVivo
Chez Montréal InVivo, qui représente la grappe des sciences de la vie et des technologies de la santé du Grand Montréal, le président-directeur général Frank Béraud souligne que la mise en place d’une capacité manufacturière dans le créneau des sciences de la vie est un projet « sur le long terme ». Il faut donc s’attendre à ce qu’il y ait « des embûches sur le chemin ».
« Comme dans tout projet d’innovation et de développement technologique, il y a des risques d’échec, dit M. Béraud. Il y a toujours des impondérables. Ce qui se passe avec Medicago et Novavax, ce sont des décisions d’affaires. Ça ne vient pas mettre en doute notre capacité ou notre savoir-faire au Québec. C’est ce qui me rassure. »
Maillon faible
Le secteur québécois des sciences de la vie a repris du poil de la bête dans la dernière décennie. Quand Anie Perrault a été nommée directrice générale de BIOQuébec, en 2013, l’organisme comptait 40 entreprises membres. Au moment de son départ, l’an dernier, on en recensait 175, relate celle qui est toujours consultante pour BIOQuébec.
Actuellement présidente du conseil d’administration de Génome Québec, Mme Perrault reconnaît qu’il y a du travail à faire en matière de production pour avoir une « chaîne solide ».
PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE
Anie Perrault.
“ Sinon, on prend le risque que la production se fasse ailleurs. Le secteur va être aussi fort que son maillon le plus faible. On est forts en recherche universitaire et on est capables de financer. On a beaucoup travaillé en amont, là, il faut travailler en aval. “
- Anie Perrault, présidente du conseil d’administration de Génome Québec et consultante pour BIOQuébec
Mme Perrault prévient aussi que le succès de la stratégie de biofabrication repose sur la diversification. L’évolution de la situation pandémique a clairement illustré, explique-t-elle, qu’il ne faut pas uniquement se concentrer sur des vaccins contre la COVID-19, mais également « d’autres champs ». La plateforme des producteurs doit être « beaucoup plus large », croit Mme Perrault.