Des bactéries vivantes pour tuer les maladies
Imaginez un médicament conçu pour s’attaquer de façon spécifique à une maladie dont vous souffrez. Imaginez qu’il s’attaque à cette maladie et à aucune autre cellule saine de votre corps, comme s’il était intelligent ou, plutôt, programmé pour faire ce travail de haute précision, un peu à la manière d’un soldat d’élite en mission.
C’est ce type de médicament que développe Tatum bioscience à partir du laboratoire qu’elle loue à l’Université de Sherbrooke. «C’est une nouvelle branche de la biologie qui utilise des principes de l’ingénierie, couplée avec la biologie, pour créer des cellules qui ont des fonctions qu’on ne retrouve pas dans la nature», explique Sébastien Rodrigue, professeur titulaire au département de biologie de l’Université de Sherbrooke et cofondateur de Tatum, fondée en juin 2020.
L’équipe de sept employés de Tatum développe déjà un médicament à base de bactéries probiotiques capable de s’attaquer aux cellules résistantes aux antibiotiques. Le traitement du cancer représente son autre ambitieux projet.
«Je peux programmer ma bactérie pour trouver des tumeurs à l’intérieur du corps humain», donne comme exemple le professeur Rodrigue. «Je peux la programmer pour sécréter des protéines qui vont tuer les tumeurs, la programmer pour générer des effets inflammatoires ou anti-inflammatoires. On peut même combiner ces activités-là dans une bactérie qui, elle, fabrique les bonnes molécules pour y arriver.»
PHOTO COURTOISIE / TATUM BIOSCIENCE
Ce qui distingue les médicaments que développe Tatum de la pharmacopée traditionnelle, c’est qu’ils sont vivants, plutôt qu’inertes. On peut donc programmer la bactérie, l’influencer en quelque sorte, pour qu’elle agisse dans le sens souhaité. «On pourrait lui dire, un peu comme un programme informatique, trouve le site de la maladie, une fois que tu l’as trouvé, appelle d’autres bactéries et une fois que vous serez en nombre suffisant, produisez une première molécule qui s’attaquera à la maladie», illustre Sébastien Rodrigue.
L’objectif du chercheur est de réduire la souffrance des malades. «Un des problèmes des médicaments, ce sont les effets secondaires, dit-il. Avec le cancer, si on donne une chimiothérapie, on injecte des drogues dans le sang et la chimiothérapie va avoir des effets partout dans le corps. C’est pour ça qu’on va voir des pertes de cheveux et d’autres effets indésirables. Si on était capable d’aller porter la chimiothérapie à un seul endroit, on pourrait traiter seulement les cellules cancéreuses et éviter les effets secondaires dans tout le reste du corps.»
Les médicaments développés par Tatum bioscience se trouvent à l’étape des essais précliniques sur des animaux, en ce moment. Des demandes de brevets ont été déposées; l’entreprise s’attend à mettre ses médicaments en marché dans sept ou huit ans.