L'impératif de cultiver les fruits de la recherche
Des chercheuses et chercheurs de différents horizons des sciences sociales et humaines nous donnent la mesure dans les prochains jours des défis qui attendent le Québec dans un avenir rapproché. Aujourd’hui, Frédéric Bouchard aborde la question de l’expertise et de la recherche.
À la suite du défi sanitaire, nous aurons à relever les défis sociaux et économiques (sans parler de l’immense défi environnemental, qui gronde en arrière-plan). La crise et l’après-crise sont donc l’occasion de nous rappeler que l’expertise et la recherche que les universités cultivent sont destinées depuis toujours à mieux outiller les citoyens, organisations, et communautés assez clairvoyants pour les mobiliser.
L’espoir raisonnable est que grâce aux experts et aux chercheurs d’ici et d’ailleurs, nous trouverons rapidement la sortie de cette pandémie. Afin de nous relever hauts et forts après cette crise, notre intérêt pour la recherche ne devra pas retourner sous terre dès le soulagement des premières retrouvailles.
Le Québec et le Canada font déjà beaucoup pour soutenir la recherche. Toutefois face aux défis à venir, il sera dans notre intérêt collectif de faire encore plus. Les indicateurs de l’OCDE par rapport à la recherche sont révélateurs : l’Allemagne et la Corée du Sud, dont le développement économique des dernières décennies et la gestion actuelle de la crise de la COVID-19 sont présentés avec envie partout dans le monde, sont des puissances en recherche. Elles y investissent des sommes conséquentes (respectivement plus de 3,1 % et 4,5 % de leur PIB) et ont parmi les plus grands nombres de chercheurs au monde (respectivement environ 10 et 15 chercheurs par 1000 travailleurs).
Le Canada est dans la moyenne des pays de l’OCDE avec environ 8 chercheurs par 1000 travailleurs et investit 1,5 % de son PIB en recherche et développement (la moyenne de l’OCDE est 2,4 % du PIB). On peut observer des variations similaires en examinant le nombre de Ph. D., le nombre de brevets ou d’autres indicateurs de vitalité scientifique et d’innovation : le Canada fait bien, mais, face à nos défis à venir, nous devrons faire mieux.
Le durcissement actuel des frontières nous rappelle que nous ne pouvons pas déléguer à d’autres pays la responsabilité de cultiver les fruits de la recherche si nous souhaitons avoir accès aux solutions et aux talents dont nous avons besoin.
Apport de plusieurs domaines
Les vaccins, les meilleures interventions cliniques et les remèdes dont nous espérons tous l’arrivée rapide arriveront grâce à nos chercheurs en sciences de la santé. Toutefois, il faudra aussi d’autres outils pour sortir de la crise.
En ce moment, l’épidémiologie, les mathématiques, l’informatique et la philosophie s’attaquent à la création d’algorithmes plus efficaces et justes pour moduler les mesures de distanciation. La chimie et la biologie créent des tests de dépistage inédits. La psychoéducation, les sciences de l’éducation et la communication identifient les enjeux émergents liés au confinement. Le travail social et les études religieuses nous aident à accompagner les personnes en détresse suite à la perte d’un être cher. La criminologie traque les nouveaux bandits numériques. L’urbanisme et la géographie répondent aux enjeux de la mobilité à l’ère de la distanciation. L’anthropologie, l’histoire et la littérature nous permettent de comprendre comment certaines mesures sociales sont vécues et le droit nous aide à réfléchir à la justesse de leur application.